Le massif du Makay est une étrangeté à Madagascar. Cela fait seulement une petite dizaine d'années qu'il s'est ouvert à un tourisme de randonnée très exclusif. Avant cette date, c'était le territoire des Dahalo, ces voleurs de zébus Baras qui s'y cachaient du monde dans un labyrinthe infini de canyons et de petites montagnes. Une planque parfaite.
Exclusif et méconnu, le Makay est un secret préservé du tourisme comme de la vie paysane de par son isolement et son caractère sauvage. Seules deux agences se partagent aujourd'hui les expéditions qui y emmènent des randonneurs plutôt chevronnés.
De notre côté, nous avons choisi Détour Madagascar pour organiser l'aventure. Il y a quelque chose de touchant dans le fait de savoir que notre guide, Arsène, a commencé avec d'autres aventuriers les premières explorations il y a 11 ans, arpentant et mémorisant des centaines de kilomètres de randonnées sauvages avec en tête l'idée de créer son circuit.
De fait, Arsène est véritablement amoureux de cette zone, qu'il continue d’explorer au petit matin quand les randonneurs dorment encore, pour affiner sans cesse son parcours.
Exclusif, le Makay l'est vraiment. Nous sommes seulement 6 randonneurs de tous âges : Didier, 67 ans, fin connaisseur de Madagascar depuis 40 ans et grand sportif venu de la Réunion; Diane et moi; Kevin, un financier de 33 ans amateur de grandes randonnées du bout du monde; Anne, presque 30 ans et kiné à la Réunion venue avec sa copine Juliette de 27 ans, également kiné là bas.
Ce n'est pas toujours simples de constituer un groupe qui va vivre ensemble du matin au soir, coupés du monde, pendant une semaine. On a beaucoup de chance, c'est un groupe homogène dans le niveau sportif, calme, amoureux de la nature et curieux.
Autour de nous les 18 baras, qui ne seront bientôt plus que 17 en raison d'un abandon, forment un groupe parallèle. Ils sont à notre service mais tout le monde se respecte et partage l'émerveillement de ce voyage inédit. Nos deux cuisiniers et notre guide viennent eux d’Antsirabe, la deuxième ville du pays. Cette troupe qu'on va apprendre à aimer et découvrir par petites touches constitue la part humaine de ce voyage au coeur de la nature.
Marche d'approche - 13 kilomètres (dimanche)
Avec l'enlisement du 4x4 nous avons pris du retard et la nuit menace. Arsène presse le pas et c'est à une très bonne allure que nous suivons notre pisteur jusqu'à l'entrée du massif sur une dizaine de kilomètres, nous éloignant peu à peu des cultures et de l'élevage.
La nuit tombe vers 17h30 et c'est à la lampe frontale que nous terminons la marche d'approche, en descendant le plateau pour atteindre à quelques 200 mètres plus bas la rivière de Malaimbandy où nous établissons notre premier bivouac.
Lorsque notre regard se pose enfin, on découvre une plage de sable blanc toisée d'un ciel tapissé d'étoiles. L'absence de pollution nocturne dévoile l'immensité et la beauté étincelante de la voie lactée. La rivière fait office de douche, de ravitaillement en eau et de frigos. Armé de filets rudimentaires, les Baras pêchent des poissons qui seront notre premier dîner. Sur la plage, on doit faire attention : elle est peuplée d'innombrables petits scorpions qui nous promettent une piqûre douloureuse et deux jours de fortes fièvre en cas de contact! On met les chaussures, on fait attention. Ce premier soir, comme ceux qui suivront, est un temps d'échange privilégié entre nous et Arsène, qui répond à nos nombreuses questions très variées. Ce soir on nous apprend que le riz blanc, quoique moins nutritif que le riz rouge local, est celui servi aux invités d'honneurs. Ce sera notre source de glucides chaque matin et soir pendant le séjour. La nuit n'est pas facile en raison du vent et de l'acclimatation à ce nouveau terrain.
Premier jour dans le Makay - 19 kilomètres (lundi)
Arsène prend un peu de retard en répartissant mieux les charges entre les porteurs. Nous nous mettons en marche vers 8h30 en enfilant des chaussures d'eau pour remonter la rivière.
Le massif du Makay évoque les canyons de l'Arizona américain, mais dans une version vierge d'aménagement et de tourisme. Le sentiment d'exploration est exaltant. Si la randonnée offre souvent des escapades isolées, le Makay semble pousser l'expérience à son paroxysme.
De canyons en plateaux c'est le sentiment d'émerveillement qui domine. Riche en biodiversité, le Makay offre deux types de paysages très différents. Sur les plateaux, c'est un monde aride et chaud qui évoque les montagnes avec une végétation rasée et quelques oiseaux. Dans le dédale infini des canyons, la végétation devient luxuriante. Le grand réseau hydrographique du Makay dévoile une géomorphologie spectaculaire abritant des espèces de végétaux et d'animaux uniques.
C'est le royaume des lémuriens sauvages, des grenouilles, des caméléons, des petits crocodiles de rivières, d'énormes araignées et d'une grande variété d'insectes. Même s'il y a des animaux venimeux et des plantes urticantes, rien ne menace directement la vie de l'homme. Bien sûr, coupés du monde, sans réseau téléphonique, sans médecin accessible, nous devons redoubler de prudence pour éviter les accidents.
Petite piqûre de rappel sur les dangers, Arsène nous apprend qu'un guide du Makay a récemment fait une mauvaise chute en montant sur une roche friable qui s'est affaissée sous son poids et qu'il n'est pas certain de pouvoir remarcher correctement un jour. Dans une autre région, une randonneuse s'est agrippée à une branche sans y détecter une araignée qui l’a mordue. Rapatriée en France, elle a été sauvée mais a perdu un bras. Ces incidents furent exceptionnels mais nous rappellent à la prudence. De notre côté, nous devons principalement faire face aux sables mouvants, omniprésents après la saison des pluies.
Le soir nous atteignons une nouvelle plage de rivière où est installé le nouveau bivouac.
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