top of page

02. D'or et de lumière 🇹🇭

Photo du rédacteur: Maxime PannetierMaxime Pannetier

Dernière mise à jour : 26 janv. 2024



Mardi 27 décembre 2022



Fois 10. C’est la taille de Bangkok comparée à celle de Paris, avec un peu plus de 1500km2 c’est donc 10 fois la surface de Paris. Immense, peuplée de 15 millions d’habitants, c’est la seizième plus grande ville du monde après Osaka et avant Los Angeles. Une fois cette différence établie, il reste que la Thaïlande et la France présentent certaines similitudes de taille : même population, même superficie ou presque (la Thaïlande est un peu plus petite), même emprise d’une capitale sur le reste d’une nation. Par ailleurs rappelons que le royaume de Siam (ancien nom de la Thaïlande) n’a jamais été la colonie d’un empire européen, ce qui le singularise du reste de ses voisins qui furent sous dominations française ou britannique. Pour autant, la Thaïlande n’a jamais été coupée du monde comme l’a été le Japon par exemple ; c’est un territoire connu depuis longtemps des Européens.



Notre deuxième jour s’ouvre par une nécessité : trouver à Diane un bas de pantalon recouvrant en vue de visiter le Palais Royal. À cette fin, nous nous dirigeons vers le grand Mall qui est situé à 200 mètres de notre résidence : Central World. Déjà aperçu hier, c’est un magasin de la démesure qui s’étend sur huit étages et possède en son antre pléthore de magasins, restaurants, cafés, cinémas… Toutes les modes et toutes les gastronomies, qu’elles soient chinoise, thaï ,indienne, japonaise, française, britannique ou américaine, sont représentées, faisant du lieu une incroyable caverne d’Ali Baba. Diane ne s’y trompe pas et je perds rapidement sa trace dans le dédale de l’offre vestimentaire féminine étalée sur des centaines de mètres. Je profite de ce temps pour déguster un matcha glacé et arpenter les couloirs lumineux présentant une débauche de produits en tout genre. À la manière de nos grands magasins, chaque étage est dédié à un thème : mode, électronique, parfumerie et on accède au 7ème étage à un étonnant « World Food » qui présente profusion de restaurants et de petits stands mimant la nourriture de rue ou proposant des sucreries raffinées pour le nouvel an. Je fini par appeler Diane qui teste un nouveau pantalon de créateur thaï… Nous sommes finalement fin prêts pour commencer une nouvelle journée de visites.



Derrière Central World nous rejoignons le réseaux de canaux et, pour 20 baths chacun (environ 0,7€) nous allons jusqu’à la maison de Jim Thompson, un incontournable de la capitale.



Né dans une riche famille du Delaware, Thompson s’est remarqué par plusieurs faits d’armes lors la seconde guerre mondiale, où il faisait partie du service OSS (ancêtre de la CIA). C’est à la fin de celle-ci qu’il fut mobilisé sur le front cambodgien avant que les Japonais ne capitulent. Avec ses troupes il rejoint finalement Bangkok et s’éprit de la ville. De la fin des années 40 aux années 50, Thompson crée des costumes de soie somptueux et se fait une réputation internationale. On lui donne rapidement le nom de « King of Silk » en fondant la Thai Silk Company. Fort d’une belle fortune, il acheta et fit démonter d’Ayutthaya, l’ancienne capitale du royaume de Siam, plusieurs maisons traditionnelles en teck qu’il fit remonter, restaurer et ré agencer dans le cœur de Bangkok. Des Kennedy à Truman Capote, nombre de personnalités américaines séjournèrent dans la somptueuse demeure dans les années 60. Fin connaisseur des arts asiatiques, Thompson a collectionné et présente dans sa maison de nombreux meubles précieux, des porcelaines, de la vaisselle, des statues et des peintures. La visite, entre beautés artistiques et architecturales, parcours artistique et biographique nous émerveille. Le fait le plus énigmatique de la maison est sans doute une affaire non résolue : la disparition de Jim Thompson en 1967. Après un pique-nique dans les montagnes malaysiennes, le riche homme d’affaire s’excusa auprès de ses amis et parti faire une sieste. On perdit sa trace depuis lors. Assassinat en raison de ses positions politiques pro indépendantistes ? Fuite organisée pas la CIA (lui l’ancien espion qui le serait resté) ? Simple chute lors d’une promenade ? Sa disparition n’a jamais été élucidée.



Nous déjeunons au bord des canaux dans un restaurant de rue typique et succulent (curry vert et Pad Thai accompagné d’une noix de coco - classique mais efficace) avant d’aller jusqu’au terminus des bateaux.



Nous arpentons les magnifiques petites ruelles de Bangkok, croisant un échantillon de la vie de la capitale : nombreux chats en goguette, jardiniers s’affairant dans les parcs, sportifs dans une salle de sport en plein air ou encore d’étonnants commerçants d’armes exposant en vitrine des fusils mitrailleurs et des pistolets de toutes les couleurs (que je n’ai pas osé photographier). Même si cela est moins connu, la Thaïlande est aussi surnommée le « far west de l’Asie du Sud est » ; 10 millions d’armes seraient en circulation dans le pays et la culture du crime y est fermement implantée, contrairement aux idées reçues sur le pays « du sourire ». Cela ne veut pas dire qu’on est en insécurité, en tant que voyageur ; simplement le pays a une forte culture militaire et bien que les armes soient officiellement interdites, Bangkok regorge d’armureries, de magasins de surplus militaire et de stand de tirs à balles réelles offrant des sensations fortes aux touristes les plus téméraires.



Site d’un des magasins de la rue des armuriers : https://www.gunandguy.com



Traverser à un passage piéton n’est pas une mince affaire à Bangkok. Souvent les feux ne fonctionnent pas, les routes accueillent jusqu’à 6 voies où se faufilent les motos, et les piétons n’ont visiblement pas la priorité (et pour ne pas faciliter l’orientation les thaïlandais roulent à gauche). De fait, on se retrouve souvent un peu penaud devant une route qu’on peine à traverser correctement. Lorsqu’on a de la chance, un Thaïlandais est à nos côtés et on suit ses pas entre les voitures qui ne s’arrêtent pas vraiment de rouler. La sécurité n’est pas optimale mais ça fonctionne, les Thaïlandais ont l’air de faire avec, aussi bien au volant qu’à pied. Pour ce troisième jour, Diane fonce sans trop hésiter après une certaine impatience. À trois pas derrière j’hésite encore puis je vois les automobilistes se figer devant l’étrange piéton européen qui se faufile. Je passe rapidement devant les voitures qui freinent, un motard surpris par un autre motard qui freine, pile et chute sous nos yeux. La vie reprend vite son cours, le motard est aidé par d’autres motards et, le souffle coupé, nous reprenons aussi notre chemin.



Quelques instants plus tard nous rejoignons l’immense forteresse du Palais Royal de Bangkok. Même si ce n’est plus la résidence principale du roi, l’imposant cortège de militaires et de policiers nous apprend que le roi Rama X est aujourd’hui présent dans l’enceinte. Il est bientôt 15h15 et, coup de chance, nous sommes parmi les derniers à pouvoir entrer (le palais ferme les caisses à 15h30 et les portes à 16h30). C’est un bon horaire, moins caniculaire et moins peuplé. Ouvert en 1782, le Palais Royal a fêté cette année son 240ème anniversaire. Construit par Rama Ier, qui fut donc le premier roi de la dynastie régnante (dynastie Chakri) qui transféra la capitale d’Ayuthaya à Bangkok. Le Palais Royal abrite donc, sur 29 hectares de terrain, de nombreux bureaux gouvernementaux, la salle du trône, une résidence royale et des temples (que nous pouvons visiter). Le temple du Bouddha d’émeraude est l’édifice le plus imposant, même si on trouve aussi tout autour de gigantesques statues de dvarapala (gardiens des temples) qui prennent la forme du roi démon Ravana.



Pénétrer dans le Palais Royal c’est donc faire une expérience à la fois esthétique mais également religieuse et monarchique. Sur le premier point il est évident que les architectes des temples ont su créer un ensemble monumental composé de jeux de lumières incessants pour faire miroiter le soleil dans de petits miroirs colorés, ou le faire se réfléchir dans les innombrables dorures qui composent directement les temples ou les statues. De toute part nous sommes émerveillés par la richesse et la finesse des décors qui crépitent sous les clics des visiteurs armés de leurs téléphones.



 Du point de vue religieux, il est bien sûr impossible de résumer simplement tout ce que représente le lieu mais, pour simplifier, disons qu’il est centré autour du récit originel du Ramayana (son nom indien) qui s’appelle le Ramakien en Thaïlande. Puisant sa source dans l’hindouisme, c’est une grande épopée qu’on pourrait qualifier d’homérique, puisqu’elle relate une grande histoire de guerre tout en y mêlant une histoire d’amour. Transmis oralement puis rédigé pour la première fois au troisième siècle de notre ère, c’est un texte fondateur qui s’est particulièrement répandu entre le 16eme et le 17eme siècle en Asie du Sud-Est. C’est cette histoire qui est donc racontée en 178 peintures, à la manière d’une BD, sur tous les murs entourant le temple du Bouddha d’émeraude.



Le Ramayana est un texte fédérateur dont le récit est connu de tous, des illettrés comme des savants, des pauvres comme des riches, des enfants de cinq ans comme des vieillards dans cette partie du monde. Il a été adapté à la télévision ou au cinéma de nombreuses fois et au théâtre, chez nous, grâce à Jean Claude Carrière (après son travail avec Peter Brook sur le Mahabharata). Dans ce récit, Rama (nom du roi de Thaïlande, donc) est une incarnation divine, modèle de toutes les vertus, qui combat Ravana (modèle de tous les vices) dans une grande histoire de la lutte du bien contre le mal. C’est un modèle pour tous, car il lutte aussi pour se libérer du cycle de réincarnation en vue de se fondre dans l’être suprême. Rama délivre aussi un message d’amour qui pourrait être comparé à celui de Jésus.



La religion en Thaïlande est donc le bouddhisme Theravada, aussi appelé « la voie des anciens » ou « le petit véhicule », venant de bouddha, lui même hindou. Un peu comme les catholiques, les orthodoxes et les protestants chez les chrétiens, il existe trois grands familles religieuses dans le bouddhisme : theravada (Asie du sud est et une partie du Vietnam), Mahayana (Chine, Japon, Corée et une partie du Vietnam) et Vajrayana (Tibet, Mongolie, Bhoutan). Sans trop entrer dans les détails, disons que les moines thaïlandais sont des moines mendiants. À la différence des Chinois ils vivent dans le dénuement le plus total, refusant notamment de se faire à manger (d’où l’importance des offrandes aux moines chaque matin). La grande différence, peut-être, avec le Mahayana réside dans la dimension plus individuelle de la spiritualité theravada : chacun cherche à se libérer des cycles de réincarnation sur le modèle de Rama, là où le Mahayana renonce à son propre salut, renonce au nirvâna, et accepte donc la souffrance pour délivrer tous les êtres. Le bouddhisme himalayen est, lui, à la fois un mélange des deux autres mais possède des singularités propres, comme le rôle essentiel du maître (« guru ») et des techniques d’invocations de divinités. La place du moine est centrale en Thaïlande, tous des hommes (même s’il existe des exceptions dans d’autres pays). Chaque thaïlandais ou presque est devenu moine à un moment de sa vie, en général enfant, les vœux de renoncement n’étant pas définitifs dans le bouddhisme. Un moine ne peut pas se marier mais il y a de nombreux anciens moines qui le sont !



Pour clôturer cette riche journée nous renonçons, pour notre part, à voir le roi sortir en voiture pour aller vers le Chao Phraya (fleuve qui traverse Bangkok) pour prendre un verre au coucher du soleil devant un autre beau temple : le Wat Arun.



Aux dernières lueurs du crépuscule nous traversons brièvement le marché aux fleurs avant de prendre un bateau qui fera liaison avec le métro (appelé les BTS ici). Après une dernière marche, nous terminons notre marathon a 19h tapante en rejoignant un institut de massage du côté de Central World. Après 90 minutes de relaxation (même si le massage thaï est assez vigoureux), nous rejoignons l’étrange marché de noël tropical de Central World pour déguster de la nourriture de riz simple : Bao, langoustines grillées, soupe traditionnelle et thé vert. Nos paupières commencent à tomber, nous rentrons assez tard pour préparer notre valise. Nous partons demain vers le sud.

Comments


bottom of page